Club de lecture – Lundi 23 septembre 2024 de 14h à 15h30
Club de lecture
Lundi 23 septembre de 14h à 15h30
À l’initiative de l’une de nos lectrices, un club de lecture s’est formé à la bibliothèque. Il se réunit tous les mois, pour échanger pistes, idées de titres, coups de cœur, lectures d’extraits…
Compte-rendu du 10 juin 2024
Le procès-verbal / J.M.G. Le Clézio
Début du roman : « Il y avait une petite fois, pendant la canicule, un type qui était assis devant une fenêtre ouverte …et il s’appelait Adam ; Adam Pollo. » Il squatte une maison abandonnée, proche de la mer, et d’une ville côtière. Il est sans racines, sans famille, totalement désœuvré, et déserteur de surcroît…ou peut-être échappé d’un asile. Son seul lien avec ce qu’il appelle le monde d’en bas est son amie Michèle. Adam lui écrit. Il a peur de la solitude, il a peur de monstres imaginaires, et il a peur de la fonte des glaciers, de la montée des eaux, et de la noyade. Quand il est tiraillé par la faim, il va en ville, en écrivant d’abord au dos d’un paquet de cigarettes vide : « sèches, bière, chocolat, trucs à bouffer, papier, des journaux si possible, voir un peu. » Si possible voir un peu, faire l’effort de voir du monde. C’est le plus important. Ça revient souvent. Car il déambule, solitaire, livré à lui-même, parmi les vacanciers, sur la plage, en portant sur eux un regard cru. Et c’est un chien qu’il suit, ce chien le conduit à sa maîtresse. Adam lui parle, elle le rabroue. Michèle, il l’a violée, sans état d’âme, sur le tapis d’aiguilles d’un pin parasol. Elle porte plainte à la police. Il ne comprend pas. Et quand il sort, il parle dans un bar à des marins américains, puis rentre, et reprend une position de repli. Michèle vient le voir dans sa maison volée, difficile à trouver : « Michèle, écrit Le Clézio, débouchait sans arrêt sur des sortes de clairières ou dénivellations, des cratères en forme de trous d’obus, où vivaient des couleuvres et des fourmis-lions, quand ce n’était pas sur des massifs de plantes piquantes. » Elle lui apporte des revues et de l’argent. Ils sortent et courent dans les rochers. Elle est dépitée d’arriver seconde. Adam Pollo visite un zoo, il entre aussi dans un grand magasin, et tient aux gens des propos originaux. Il a plus d’empathie pour le monde animal, ce qui ne l’empêche pas de tuer un rat blanc, par obligation. Adam Pollo vit dans la transgression, dans son monde clos. Et il est très fier de ne vivre presque que du vol du bien d’autrui. Il s’attend à être condamné afin de « payer de tout son corps la faute de vivre. » Il rêve d’une vie tranquille : « j’aurai enfin une destinée, je croirai enfin en Dieu » pense-t-il. « Tu as peur de tout ce qui est sentimental » lui dit Michèle, « Moi j’ai envie de te raconter des histoires. » Et son monde bascule un peu. Un homme s’est noyé, là-bas, au-delà des docks. Arrivée des badauds. Longue méditation d’Adam Pollo, sur la mort et cette médiocre fin. Il cherche Michèle, l’appelle du téléphone d’un café, de bars, et de boîtes à la mode. Il ne parvient à parler qu’à sa sœur, qui le guide vers une amie… « Quand on commence à jouer avec le téléphone, il ne faut pas hésiter ; il ne faut jamais s’arrêter, même quelques secondes, pour réfléchir » ironise l’auteur. Adam Pollo traverse de nuit la ville, détrempé par la pluie, en méditant sur une humanité nombreuse et changeante. Il s’ouvre aux conversations, aux cris, aux évènements bigarrés qui se passent entre les hommes, les femmes, leurs activités, leurs destins… Le Clézio : « Il n’y a plus rien de vraiment incohérent, plus rien de sauvage. On dirait que le monde a été dessiné par un enfant de douze ans. » Adam Pollo retrouve Michèle en ville, avec un américain, et comme il se montre odieux avec elle, l’américain le tabasse durement, et lui casse une dent. Adam Pollo s’enfuit et se cache. Ils ont porté plainte. Il reçoit une longue et gentille lettre de sa mère. Il sort du bureau de la Poste. Il tient un discours qui attire des badauds. Son débit s’accélère, il perd la tête. Il finit par mettre la foule en colère. Il échappe aux poursuites judiciaires, étant placé en clinique psychiatrique, il se trouve très bien dans sa chambre d’hôpital fraîche et harmonieuse. Le médecin-chef et ses assistants l’entendent dans l’infirmerie autour d’une table. Ceux-ci ne trouvent rien d’anormal chez Adam Pollo. Le diagnostic du médecin chef est tout autre : manie dépressive constante, pouvant évoluer vers la confusion, et jusqu’à la psychose délirante aigüe. Le médecin chef le confie à Julienne, qui parmi les soignants, a le plus son écoute. Adam Pollo se confie à Julienne : « Voilà ce qu’on va faire : je vais vous parler, tout bas, rien qu’à vous. Et vous me répondrez de même… Vous me raconterez… la fois où vous avez commencé à vous mettre du rouge à lèvres. La fois où vous vous êtes perdue dans la montagne. Vous me direz si vous aimez vous promener le soir, quand il commence à faire nuit, et qu’on entend les choses cachées qui bougent… » Adam lit l’assentiment de Julienne à ses propos. Puis il replonge dans son délire. Il devient aphasique. « Il pensait peut-être, écrit l’auteur,…qu’il était bien dans son domaine. Qu’il l’avait enfin trouvée, la belle maison rêvée, fraîche et blanche, bâtie en plein silence au centre d’un jardin merveilleux. Il se disait qu’il était heureux, tout seul dans sa chambre peinte en beige, avec une seule fenêtre d’où coulaient toujours les bruits de paix… avec des gens pour s’occuper de lui… » (Présenté par Jean-Jacques)
Les choses humaines / Karine Tuil
Il s’agit d’un roman interpellant avec une écriture percutante qui aborde plusieurs thèmes d’actualité. À Paris un couple de pouvoir mène une vie « de rêve » : elle est une essayiste féministe à succès, lui est journaliste vedette à la TV et à la radio et fait régulièrement la une des tabloïds. Leur fils Alexandre est un étudiant brillant dans une université américaine prestigieuse. En fait derrière les apparences Alexandre a fait une tentative de suicide et sort blessé d’une relation amoureuse. Ses parents ont chacun une double vie. Un jour Alexandre emmène Mila, la fille du compagnon de sa mère à une soirée où il y a consommation d’alcool et de drogues. A l’issue de celle-ci Alexandre et Mila y ont un rapport sexuel. Le lendemain tout s’écroule : Alexandre est arrêté et inculpé pour viol. L’opinion publique, les réseaux sociaux s’emballent. Les interrogatoires de la police s’enchaînent puis arrive le procès. C’est un roman sur la notion de consentement et sa zone grise, sur les sphères du pouvoir médiatique et les dérives des réseaux sociaux, sur la notion de vérité : c’est parole contre parole. C’est la différence de ressenti et d’interprétation d’un mot, d’un geste en fonction de l’éducation reçue : Alexandre vient d’un milieu où la parole est libérée, Mila a eu une éducation religieuse, rigoriste. Chacun a sa vérité et chacun a ses contradictions. Ce qui est aussi intéressant c’est que l’histoire est racontée du point de vue de l’agresseur sans que l’on ne sache à l’issue du procès où se situe la vérité. (Présenté par Fabienne)
Terrasses / Laurent Gaudé
Ou notre long baiser si longtemps retardé. Ce court récit de 132 pages évoque le vendredi 13 novembre 2015, l’attaque simultanée des terrasses parisiennes et du Bataclan. Pas question ici de reprendre les faits, mais d’évoquer ceux qui,d’une manière ou d’une autre,se sont trouvés impliqués dans cette tragédie, comme dit l’auteur : « L’Histoire fera le récit des faits. Qui fera le récit des âmes ? » Il évoque,toujours avec pudeur, en évitant les images sanguinolentes, ceux qui sont les victimes : bien sûr, les blessée et les morts, mais aussi les familles et leur attente insupportable; mais aussi les sauveteurs, ce médecin qui pénètre le premier dans le Bataclan, les pompiers, les unités d’élite qui interviennent la peur au ventre, le personnel infirmier, les ambulanciers, les passants qui se trouvent brutalement témoins, voire acteurs, et aussi ceux dont on ne parle jamais : les nettoyeurs.
Récit tragique, mais profondément humain, empreint de solidarité et de dignité. « Et pourtant, il faut continuer. Vivre. Comme on aime. Au nom de ceux qui sont tombés. Nous serons tristes, longtemps, mais pas pétrifiés. Pas terrassés. » (Présenté par Thérèse)
La bibliothèque des bienheureux / Cali Keys
Lucie aime les mots et les autres. À côté de son travail de formatrice, elle écrit et publie des romans. Mais le jour où un drame familial fait voler sa vie en éclats, elle plaque tout, quitte Paris et part se ressourcer à Saint- Malo dans l’ancienne maison de ses grands-parents. Une grande demeure qu’elle a tôt fait de transformer en auberge espagnole : se jeter à corps perdu dans les soucis de ses voisins est la meilleure des thérapies. On y croise Léonard, un ex-bibliothécaire veuf et bougon, Annick, la mère de Lucie, protectrice et admirative, Viviane, une libraire psychologiquement fragile, et Camille, une jeune fille en rupture familiale. Ce qui les soude ? L’amour des livres ! Ensemble, ils vont élaborer mille projets, à commencer par une bibliothèque de quartier pour partager leur passion des jolis mots avec les habitants de Saint-Malo. Tous ces cabossés par la vie vont-ils enfin retrouver la paix ? Et Lucie, va-t-elle faire taire les démons qui la rongent en aidant ses drôles de colocataires ? Un roman positif et sensible qui donne la pêche. (Présenté par Françoise)
Traduire Hitler / Olivier Mannoni
En 2021, les Éditions Fayard ont publié « Historiciser le mal, une édition critique de Mein Kampf ». Olivier Mannoni, traducteur spécialiste d’ouvrages sur le IIIe Reich, a été chargé de réaliser une nouvelle traduction de Mein Kampf, un travail éprouvant qui durera une petite dizaine d’années.
Dans « Traduire Hitler », Olivier Mannoni revient sur ces dix années d’un travail pénible, non seulement en raison du contenu haineux et du style lamentable de l’ouvrage mais aussi d’un point de vue technique : alors que le travail d’un traducteur consiste normalement à rendre le texte intelligible pour le public cible, on lui a demandé de restituer ce livre tel qu’Hitler l’avait laissé en 1925 : « bourbeux, criblé de fautes et de répétitions, souvent illisible, doté d’une syntaxe hasardeuse et truffé de tournures obsessionnelles ». Olivier Mannoni revient sur la polémique suscitée par l’annonce de la publication d’une nouvelle traduction de Mein Kampf. Il analyse la manière dont Hitler (et les autres dignitaires nazis) utilise le langage pour manipuler les foules, et montre que ces techniques de manipulation n’ont pas disparu avec le IIIe Reich mais au contraire sévissent toujours aujourd’hui, notamment dans les discours complotistes et ceux des mouvements d’extrême droite. Un petit essai passionnant et particulièrement pertinent vu le contexte politique actuel. (Présenté par Martine)
Le vent reprend ses tours / Sylvie Germain
C’est un avis de recherche collé sous un abribus qui va bouleverser la vie de Nathan. Gavril, le vieil homme disparu, a sauvé son enfance de l’ennui et de la solitude auprès d’une mère taciturne en l’entraînant dans les rues de Paris et en l’enchantant de poésie et de fantaisie. Trente ans plus tard, Nathan mène une vie fade et morose que ce soudain rappel à l’enfance et aux silences maternels fait éclater. Lui qui n’a jamais voyagé se rend en Roumanie dont il ignorait que Gavril y avait vécu les drames de la guerre puis les grandes purges de l’après-guerre. Ce voyage vers l’ami saltimbanque rescapé de terribles épreuves mais qui avait su garder une magnifique ardeur à vivre, va l’ouvrir à une pleine liberté. Extrait : “Gavril était un grand marcheur et lecteur. Il déambulait dans la ville comme dans un livre, il la feuilletait dans tous les sens. Il considérait en effet les villes à l’égal de livres débrochés, aux pages éparses mais gravitant autour d’un axe invisible lentement dessiné par l’Histoire au fil des siècles. Certaines pages étaient sans intérêt, car non ou mal écrites, d’autres bruissaient de mémoire. Il disait qu’une ville, ça s’arpente et ça se lit, que marcher c’est lire, avec tout son corps, tous ses sens, et que lire c’est marcher, dans sa tête, dans le temps, jusqu’aux confins de soi, jusqu’aux lisières du monde.” Livre coup de cœur. (Présenté par Edith)
Vivre vite / Brigitte Giraud
23 « Si », 23 questions que se pose l’autrice pour tenter de comprendre les circonstances qui ont conduit à l’accident mortel de moto de son mari le 22 juin 1999. Hasard, destin, coïncidences? Court récit, belle écriture, prix Goncourt 2022. (Présenté par Michèle)
Des âmes et des saisons / Boris Cyrulnik
« L’impact du milieu n’a pas le même effet sur un bébé, sur un adulte, selon la construction physique et mentale de chacun. Ce que nous sommes aujourd’hui n’est pas ce que nous serons demain, marqués, expérimentés et souvent blessés par l’existence. Notre corps et notre esprit modifiés par la vie devront s’adapter à un monde toujours nouveau. Les hommes et les femmes, les pères et les mères, voient leurs places respectives bouleversées par une nouvelle donne qui chamboule les schémas traditionnels du masculin et du féminin et qui redistribue l’identité et le rôle de chacun dans le couple et dans la famille. La domination, qui a été une adaptation pour survivre, aujourd’hui ne produit que du malheur. Une étoile du berger nous indique cependant la nouvelle direction, vers l’unité de la Terre et du monde vivant. » (B.C.) Un livre d’une richesse exceptionnelle, conjuguant tout le savoir le plus récent de l’éthologie, de la préhistoire, des neurosciences. Une méditation profonde sur la condition humaine et sur l’avenir de nos sociétés. (Présenté par Anne-Françoise)
Le parfum des poires anciennes / Ewald Arenz
Sally et Lise ne pourraient pas être plus différentes l’une de l’autre. Deux âmes perdues et tourmentées, différentes mais pas tant que ça. Sally (Sarah pour ses parents), dix-sept ans, vient de fuguer une énième fois. Anorexique, elle en veut à la terre entière. Liss (Elisabeth de son vrai prénom), la cinquantaine, habite dans une vaste ferme qu’elle exploite seule dans le silence des champs, des vergers et des vignes. En offrant l’hospitalité à Sally, Liss ouvre sans le savoir une porte de sa vie. La jeune fille, qui ne devait rester qu’une nuit, trouve quant à elle un refuge auprès d’une femme différente des autres adultes : pas de jugements hâtifs, pas de questions suspectes.
Tandis qu’elles effectuent les travaux des champs, récoltent les poires, soignent les abeilles, elles commencent timidement à se livrer, à partager ce qui les éloigne des autres. Dans ce roman, Ewald Arenz évoque la rencontre de deux âmes blessées qui, ensemble, vont trouver leur place dans le monde. Éloge de la différence et de la liberté, à l’image des multiples variétés de fruits qui poussent dans le jardin de Liss sans laisser la main de l’homme les façonner, “Le parfum des poires anciennes” est un hymne à la nature et à l’amitié. Un livre qui éveille tous les cinq sens. (Présenté par Rosaria)
Le Choix / Viola Ardone
L’action de ce roman traduit de l’italien se déroule dans un petit village sicilien au début des années 60. Oliva est une jeune fille issue d’une famille pauvre, elle aime étudier et rêve de liberté mais dès ses premières règles, elle doit se soumettre à tous les interdits imposés aux femmes dans cette société très patriarcale. Elle ne peut plus sortir sans chaperon et perd toute liberté. Elle vit d’autant plus mal cette injustice qu’elle a un frère jumeau, moins studieux et moins dynamique, pour qui rien ne change. Elle essaie de respecter les règles de cette société très machiste et les nombreux interdits imposés par sa mère, mais un événement l’amènera à faire un choix entre tradition et liberté. Un très beau roman, avec des personnages attachants, en particulier l’héroïne à laquelle il est facile de s’identifier, ce qui permet de ressentir toute l’injustice de cette société inégalitaire. (Pprésenté par Brigitte)
Bonnes vacances et bonnes lectures, on se retrouve en septembre !
Rendez-vous à la bibliothèque lundi 23 septembre, 14 octobre, 18 novembre, 16 décembre de 14h à 15h30.
Vous êtes bienvenu(e)s même si vous n’avez pas de livre à présenter, à bientôt et bonnes lectures !
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