A découvrir en section jeunesse
La cavale / Ulf Stark ; ill. Kitty Crowther ; trad. du suédois par Alain Gnaedig – Pastel – l’école des loisirs, 2019
Ulf Stark nous touche au cœur, petits et grands, tant ses mots font mouche. Peu d’auteurs pour la jeunesse réussissent à évoquer la vie et la mort avec autant de délicatesse et de justesse. En 1997, nous avions été émus par l’album Tu sais siffler Johanna ? (Casterman) qui abordait déjà de manière délicate et humoristique les relations intergénérationnelles et la transmission. Dans la cavale, nous suivons l’échappée rocambolesque d’un grand-père en fin de vie et de son petit-fils bien décidé à lui rendre le sourire. Le jeune Gottfrid est le narrateur de cette histoire, son regard et ses questionnements d’enfant en font un personnage très attachant et entraînent immédiatement l’empathie du lecteur. Déterminé, astucieux, imaginatif, attentionné, avec un cœur gros comme ça, il n’hésite pas à mentir pour offrir un dernier voyage à son grand-père. Quant à ce dernier, derrière son irrévérence, son autorité et sa colère se cache un homme tendre, éternel amoureux, aimant profondément son petit-fils et plus difficilement son propre fils. Les personnages secondaires bienveillants, parfois maladroits, contribuent à accentuer le côté chaleureux et réconfortant du roman. Des questions essentielles sont abordées, les enfants y seront sensibles : les relations familiales et intergénérationnelle, le côté éphémère de la vie, la vieillesse, la mort et la vie après la mort, le souvenir et la nostalgie, la douleur de l’absence, la liberté, la nature, le mensonge et la vérité, l’importance des mots et de la communication.
Le réalisme poétique du texte empreint d’humour et de mélancolie est merveilleusement amplifié par les dessins de Kitty Crowther, qui manie ses crayons de couleurs avec fantaisie et douceur, réussissant tout autant à croquer les émotions des personnages qu’à dessiner la beauté des paysages automnaux de la Suède.
On referme le livre avec tristesse, un sourire au coin des lèvres, en se disant que l’amour est la plus précieuse des qualités et que la vie peut avoir un goût de confiture.
Ajoutons que la traduction est parfaite et l’objet-livre particulièrement soigné (couverture toilée, qualité du papier, mise en page… sans oublier un superbe ruban rouge en guise de marque-page).
L’auteur et l’illustratrice se connaissaient depuis 2017 puisque c’est Ulf Strak qui a traduit les Petites histoires de nuit (Pastel, 2017) en suédois. Celui-ci n’a malheureusement pas pu voir l’édition définitive de La cavale, puisqu’il est mort juste après avoir terminé son manuscrit.
Ulf Stark (1944-2017) a suivi des études de pédagogie et de psychologie. Il a fait ses débuts littéraires en 1964. C’est en 1984 qu’il décide d’écrire exclusivement à la jeunesse. Il est considéré comme l’un des plus grands écrivains suédois pour enfants et adolescents.
On ne présente plus Kitty Crowther (1970) qui a participé de nombreuses fois au Prix Bernard Versele. L’autrice-illustratrice se consacre aux livres pour enfants depuis 1994. En 2010, elle a reçu le prix Astrid Lindgren Memorial Award pour l’ensemble de son œuvre.
Alain Gnaedig (1964) est auteur et traducteur. Il a traduit plus de 130 livres, du danois, du norvégien, du suédois et de l’anglais. Depuis 1991, il est responsable éditorial du domaine scandinave pour la collection Du Monde Entier, chez Gallimard.
Catherine Hennebert
Dagfrid : des brioches sur les oreilles / Agnès Mathieu-Daudé ; ill. d’Olivier Tallec – Paris : l’école des loisirs, 2020 (Mouche)
Proposer un roman qui soit accessible aux lecteurs débutants tout en leur offrant une aventure drôle et entraînante n’est pas aisé : c’est réussi avec Dagfrid. En moins de 40 pages illustrées, on s’attache à ce personnage qui n’a pas froid aux yeux. A la première personne, la petite Viking partage ses frustrations d’être née fille dans une société qui cantonne ces dernières aux tâches domestiques. De son prénom, de ses robes longues qui entravent ses mouvements, de sa coiffure briochée et surtout, surtout, du poisson servi à chaque repas, Dagfrid sature ! Et quand elle l’explique avec ironie, d’un ton légèrement désabusé, elle nous fait rire. Cette aventure invite les enfants à faire de grandes découvertes à proximité de chez eux et, sans faire de prosélytisme, dépeint une jeune féministe en quête d’autonomie. Agnès Mathieu-Daudé, historienne de formation, a publié un roman pour adultes en 2016, Un marin Chilien, qui se déroule en Islande, a des airs de conte nordique et révèle une île au fumet de poisson peuplée de milliers de moutons. Il semble qu’elle ait eu envie de retrouver cette atmosphère en écrivant pour la jeunesse ; on peut dès lors supposer que les aventures de Dagfrid, pourtant légères et humoristiques, sont bien documentées sur l’ère Viking. Olivier Tallec donne un visage à la jeune intrépide. Son nom ne vous est certainement pas inconnu : il est l’illustrateur d’une cinquantaine d’albums pour la jeunesse et travaille également comme dessinateur de presse (Le Monde, Les Inrockuptibles, Libération…). Grâce à son dessin coloré, il amplifie le mordant du texte. Les expressions d’insatisfaction de Dagfrid, son air blasé, sa posture d’exploratrice alors qu’elle aperçoit une île depuis son drakkar, sont désopilants. Souhaitons que ce premier tome donne le goût de découvrir la suite aux enfants puisqu’il ouvre une série dont le second tome vient de paraître.
Vanessa Léva
En mer / Riccardo Bozzi ; ill. Emiliano Ponzi ; trad. de l’italien par Nathalie Campodonico – Le Cosmographe, 2019
Voilà un album qui sent bon l’aventure et l’appel du grand large ! Tout y respire l’iode, le vent, la liberté. La mer est ici l’élément central : la couverture, le titre, les pages de garde, les épigraphes, le format, les pages qui se déploient, les vignettes zoomées évoquant la longue-vue, le vocabulaire, les illustrations, les couleurs, les personnages, les décors, … tout ramène à l’océan. Mais derrière une histoire à la trame simplissime (une bande de pirates à la recherche d’un trésor) se profile un incroyable voyage à la fois maritime, visuel et intérieur, une subtile métaphore de la vie, de ses bonheurs mais aussi de ses écueils, incertitudes et questionnements. L’immensité de la mer renvoyant à celle de l’existence. Une des forces de ce livre est qu’il peut être lu et regardé de différentes façons, tout y étant une question de points de vue. Si certains jeunes lecteurs y verront simplement une formidable histoire de pirates, d’autres, nous en sommes convaincus, y verront aussi une ouverture vers les multiples possibles que leur réserve la vie.
Le texte, court et dense, facile à lire est écrit dans un style narratif et poétique, proche de l’aphorisme. Les superbes illustrations digitales d’Emiliano Ponzi sont très épurées, évocatrices (on pense à Lorenzo Mattoti ou Edward Hopper, deux des maîtres de l’artiste). Les couleurs intenses et sombres, tantôt nuancées, tantôt contrastées, soulignent à merveille et renforcent l’émotion, le sentiment de lenteur et de profondeur émanant des mots de Riccardo Bozzi.
Nous avons été séduits par cet album raffiné, mystérieux et philosophique, voire spirituel, qui invite les enfants à prendre le chemin de vie qu’ils souhaitent, à rester solidaires, à privilégier le voyage plutôt que la destination et surtout, à croire en leurs rêves.
Le livre est paru en 2016 à Rome (Lapis Edizioni) sous le titre Per mare. Un coup de chapeau à la traductrice Nathalie Campodonico. Petit bémol : l’album est imprimé en Chine.
Riccardo Bozzi (1966) est un écrivain et journaliste italien (Corriere della Sera). Il est l’auteur de trois autres ouvrages traduits en français, Le monde t’appartient (Grasset Jeunesse, 2014), Cher auteur ou comment refuser un chef d’œuvre (Hélium, 2016), La forêt (Gallimard Jeunesse, 2018).
Emiliano Ponzi (1978) est un illustrateur italien de renommée internationale, multiprimé, travaillant pour la publicité (Armani, Vuiton, Gucci, Lavazza…), la presse (La Repubblica, The New York Times, The New Yorker, , Le Monde…), l’édition (Penguin Books, Corraini, Feltrinelli..), l’animation…
Originaire d’Uruguay et grande voyageuse, Nathalie Campodonico est traductrice littéraire, journaliste et autrice de guides touristiques pour Hachette.
Catherine Hennebert
Fables d’aujourd’hui / Yvan Pommaux ; couleurs Nicole Pommaux – l’école des loisirs, 2019
En digne héritier d’Esope et de Jean de La Fontaine, Yvan Pommaux se glisse avec humour et poésie dans la peau d’un fabuliste et s’amuse à croquer les défauts et qualités de ses contemporains. Comme dans les textes de ces illustres prédécesseurs, il met en scène des animaux anthropomorphiques incarnant certains de nos travers et illustrant des thématiques universelles : différence, jalousie, mensonge, bêtise, méchanceté, harcèlement, migration, consumérisme… mais il met aussi en avant l’amour, l’amitié, l’identité, la liberté, le bonheur. Ces dix fables animalières (avec ou sans morale !) amuseront certainement les enfants tout en les incitant à la réflexion. Ils y reconnaîtront sans doute des émotions et situations auxquelles ils sont parfois confrontés.
De cet album, nous avons envie de souligner : l’élégance de l’objet-livre, le texte ciselé, tout en rimes, la double narration (texte-image), le mélange de sérieux et de légèreté dans le propos, le choix du lettrage et de la police de caractère, les illustrations tout en rythme et mouvements, les cadrages diversifiés, le dessin élégant, raffiné et expressif, reconnaissable entre mille, le jeu d’ombre et de lumière, l’harmonie des couleurs (Nicole Pommaux est vraiment une coloriste exceptionnelle), les clins d’oeil graphiques (Corbello en tête !)…
Petite cerise sur le gâteau, ces paroles formidables qui clôturent la première fable et qui sont tellement importantes à transmettre aux enfants : « Vous avez quelque chose en vous de remarquable, C’est un je-ne-sais-quoi, un petit rien du tout Qui n’appartient qu’à vous. »
Auteur-illustrateur inventif et prolifique, Yvan Pommaux (1946) a publié plus de septante albums et bandes dessinées, édités principalement à l’école des loisirs et chez Bayard.
Nicole Pommaux, son épouse et coloriste, a d’abord exercé le métier de styliste dans une société où elle créait des tissus imprimés.
Catherine Hennebert
La grande marée / Valérie Strullu – Alençon : Motus, 2020
Valérie Strullu est graphiste et professeur de français. En 2009, elle réalise une série de panneaux sur la fragilité insulaire pour l’île de Sein, en Bretagne. Une île sur laquelle elle séjourne régulièrement depuis l’enfance et où elle pratique la plongée depuis l’âge adulte. En 2013, elle publie “Cuic”, aux éditions de l’Âne bâté, qui traite avec humour de la chaîne alimentaire et du destin des agneaux d’élevage. La grande marée, publié chez Motus, rassemble ces préoccupations à travers l’histoire de la transformation d’un pêcheur-plongeur en poisson. Les éditions Motus ont débuté en publiant de la poésie pour adultes, avant d’ouvrir leur catalogue aux ouvrages pour la jeunesse. Elles conservent une prédilection pour ce genre littéraire et y consacrent toujours une collection. Même si cet album n’en fait pas partie, on peut imaginer que l’éditeur ait été sensible à l’onirisme qui s’en dégage. Valérie Strullu utilise de grands aplats de couleurs vives et contrastées, cernés de noir, rendant l’illustration à la fois lisible et ludique. On rencontre des métamorphoses dans la littérature et la mythologie depuis l’Antiquité ; elles permettent souvent d’aborder des maux et thèmes de la société par le biais de la métaphore. Les mutations physiques sont également abondamment présentes dans la littérature jeunesse. En effet, elles sont particulièrement évocatrices pendant l’enfance et l’adolescence, seules périodes durant lesquelles le corps opère d’importants bouleversements physiques (perte des dents, croissance…). A travers ce récit fantastique, Valérie Strullu propose une allégorie de l’adage populaire “On devient ce que l’on mange”. Cependant, ce niveau de lecture n’est pas imposé à l’enfant qui peut simplement apprécier une aventure à la fois étrange et drôle. En devenant poisson, ce sont également les perceptions et les sensations du pêcheur qui sont altérées. De prédateur, il devient proie et rejoint un banc de poissons qui le protège et lui offre une nouvelle place. Il oublie tout de sa vie sur terre, seules quelques réminiscences le mènent à s’interroger sur le monde des humains. L’atmosphère du livre est aquatique et, après avoir plongé dans cette lecture, on en ressort imprégné d’un sentiment d’étrangeté : métamorphosé pour un instant.
Vanessa Léva
Nima et l’ogresse / Pierre Bertrand ; ill. Chen Jiang Hong – l’école des loisirs, 2019
C’est Pierre Bertrand, l’auteur des célèbres Cornebidouille, qui a souhaité que Chen Jiang Hong illustre cette histoire tibétaine. Le peintre illustrateur – deux fois lauréat du Prix Versele, en 2007 (Petit Aigle) et en 2009 (Le prince tigre) – a accepté moyennant quelques changements scénaristiques. L’association des deux artistes nous a semblé convaincante. Nous avons particulièrement aimé :
L’histoire prenant la forme d’un conte d’apprentissage et de sagesse, une quête au cours de laquelle un enfant courageux et astucieux affronte une terrible ogresse avide de chair fraîche (qui rappellera peut-être aux jeunes lecteurs la sorcière d’Hansel et Gretel ou encore l’ogre du Chat Botté)
Les sages paroles de Bouddha, qui aident Nima à accomplir sa difficile mission : « Celui qui est maître de lui-même est plus grand que celui qui est maître du monde.»
Les valeurs mises en avant (générosité, courage, détermination, réflexion, bienveillance, sagesse) qui rendent l’histoire universelle
La complicité discrète entre Nima et son Yack
L’épisode savoureux dans l’antre de l’ogresse
Les métamorphoses de l’ogresse et le brin de magie
La mise en page dynamique, très cinématographique, le dessin fin et expressif à l’encre de Chine, le travail sur la lumière et les couleurs (notamment le rouge omniprésent)
Les regards des personnages
Le format conséquent de l’album, permettant de déployer à la fois les paysages impressionnants de l’Himalaya et la toute puissance de l’ogresse.
Les enfants apprécieront le tout et retiendront sans aucun doute qu’il faut parfois se méfier des apparences !
Pierre Bertrand (1959) est auteur et conteur. Il donne des formations au conte (enfants et adultes) et propose des spectables (tout public) en France et à l’étranger.
Chen Jiang Hong (1963), né en Chine, est auteur-illustrateur et peintre formé aux Beaux-Arts de Pékin et de Paris où il vit depuis 1987. Il voyage dans le monde entier pour rencontrer ses lecteurs. Certains de ses albums sont adaptés en spectacles, auxquels l’artiste participe parfois en dessinant sur scène.
Catherine Hennebert
Pomponpompon / Raphaële Frier ; ill. par Catherine Chardonnay ; trad. et adapté en arabe par Golan Haji – Marseille : Le Port a jauni, 2019
Les éditions du Port a jauni ont une ligne éditoriale qui fait la part belle aux textes poétiques et aux illustrations d’artistes, leur bilinguisme jette un pont par-delà la Méditerranée. “Pomponpompon” chantonne ce titre-ci : comment Golan Haji, poète et traducteur kurde syrien l’a-t-il traduit ? Quelles sonorités arabes restituent à la fois la musicalité et la joie des textes, tout en évoquant les pompons de laine qui amusent Raphaël Frier et s’animent dans les illustrations de Catherine Chardonnay? Cette question pourrait précéder la découverte de l’ouvrage, valorisant ainsi les enfants issus de familles multiculturelles. Multiculturalité qui se retrouve à travers les illustrations : des créatures primitives aux costumes mouvants et chatoyants. On peut y voir les figures ataviques des folklores européens : les Strohmann (hommes de paille) allemands, les Babugeri bulgares, les Arapides grecs, les Macinula polonais… Une œuvre qui ouvre sur le monde tout en étant profondément ancrée dans une ville : Raphaël Frier vit et enseigne à Marseille, Catherine Chardonnay y a son atelier (l’Atelier Pan). Les dessins ont été réalisés durant une résidence artistique au “Studio Fotokino « , situé également à Marseille, tout comme la maison d’édition “Le port a jauni”. Les traits de crayons de Catherine Chardonnay sont vifs et vibrants. Ses hommes sauvages entrent en résonance avec la liberté des poésies de Raphaële Friër. Parcourues par l’animisme, qui permet à l’enfant de s’adresser au vent et au soleil, et par les comptines enfantines, elles sont une ode à l’imagination. Rythmées et ludiques, elles incitent les lecteurs à jouer avec les mots. Raphaële Frier et Catherine Chardonnay nous invitent dans “Un autre monde”, titre d’un des poèmes, fait de danses, de rires, de nature et de jeux. Les poésies lues, en français par Raphaële et en arabe par Mohamad al-Rashi, et accompagnées musicalement par Richard Gérard, sont offertes à l’écoute sur le site Internet du Port a jauni.
Vanessa Léva
Un cheveu sur la soupe : une histoire absurde / Alex Nogués ; ill. par Guridi ; trad. par Jude des Chênes – Montréal : les 400 coups, 2019
Quel événement banal que de partager un bol de soupe en famille ! Pour une fillette qui déteste ce breuvage, c’est même d’un profond ennui… Pourtant, dès le départ, cet ordinaire repas tourbillonne dans les assiettes, ouvrant un portail vers un autre monde. C’est qu’il y a du Lewis Carroll dans cet album ! Alex Nogués et Raúl Guridi sont espagnols mais manient le nonsense britannique. Leur complicité évidente est d’ailleurs justifiée de manière aussi farfelue que poétique en fin d’ouvrage : “(…) les deux aiment beaucoup les chapeaux. Et ils adorent aussi la soupe. Soupe de chapeaux. Chapeaux de soupe (…)”. Est-ce parce qu’elle est québécoise, nation qui compte de nombreux humoristes de l’absurde, que la maison d’édition “Les 400 coups” a été sensible à cette histoire ? L’irrationnel qui s’en dégage régalera les enfants, eux qui adhèrent à la magie et ont une propension naturelle à rire de l’incongru. L’extraordinaire est amené par un élément déclencheur qui surgit “comme un cheveu sur la soupe”, au propre comme au figuré. Ce jeu peut générer l’envie de créer d’autres récits, en prenant une expression au pied de la lettre et en en imaginant les suites.
D’un épais trait brut, Raúl Guridi dessine le père, la mère et la fille au crayon rouge : leurs visages sont vifs et expressifs et on se délecte de leurs airs tantôt surpris, paniqués ou éberlués. D’un trait plus fin et noir, à l’exception du jaune des bottes, il trace un homme flegmatique, à l’allure “so british”. Entre ce dernier et la famille, le contraste est marqué par le choix des couleurs et par le traitement des personnages. Le rouge et le noir sont également repris dans la typographie, créant un ensemble cohérant. Une fois sa tâche accomplie, l’homme au chapeau repart comme il était arrivé, laissant la famille pantoise. La soupe ne renvoie plus que le reflet de leurs visages : on pense encore au miroir des aventures d’Alice. Retour à l’ordinaire… même si les choses ne seront plus tout à fait les mêmes : c’en sera pour toujours fini de la soupe aux légumes.
Vanessa Léva
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