Éditions 211
Les éditions numériques de la Bibliothèque Communale Hergé
Cyber-e : une fiction numérique à plusieurs
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“Finalement, nous construirons chacun ce que nous voyons dans la limite courbe de notre sphère-œil, notre sphère-monde, pour l’évacuer, l’oublier, savoir qu’au-delà de notre texte il y aura notre chemin par déserts et villes, nous-mêmes écrivant et vidés de notre propre savoir.” (Malt Obren)
Cette phrase, qui en soit ne dit rien de l’atelier qui a eu lieu, est peut-être celle qui m’a le plus accompagnée avant, pendant, et même après. Il n’est pas toujours approprié d’expliquer pourquoi ou comment on va écrire / a écrit. Et on peut en général s’en tirer par une pirouette : nous avons eu une révélation.
Il me fallait un guide, ce serait Malt Obren. Depuis, j’ai beaucoup appris sur ce qu’est un atelier d’écriture. Mais j’ai commencé sans vraiment le savoir, en me disant que ça devait forcément tourner autour de quelque chose qu’on raconterait, et que j’étais contente qu’on le fasse à plusieurs. J’avais envie que nous nous lancions, autour de tous les hasards qui émergeraient, sans forcément leur en demander trop. Et il y en a eu des digressions qui n’attendaient que notre bon-vouloir pour s’insérer entre les lignes, comme quand nous avons choisi nos personnages parmi des avatars de livres papier ou numérique, et qu’apparut une tortue de Sibérie, un peu perdue.
Ensuite, il était évident que le travail tournerait autour des dix ans de la bibliothèque, avec l'émergence du numérique. Nous allions élaborer une fiction, qui prendrait la forme de fiches de bibliothèque. Fiches littérales, presque conformes à celles qu’on pouvait trouver il y a dix ans, mais qui raconteraient une, et même plusieurs histoires. Pour ne pas se perdre dans des textes qui n’auraient pas le temps de mûrir (nous avions quatre séances pour écrire un ebook) nous allions concentrer les propos dans des formes courtes. Un peu comme sur les réseaux sociaux.
C’est le moment de faire une toute petite incursion dans le monde de l’ISBD. (International Standard Book Description). Ça m’intéressait de revenir un peu là-dessus, pour se mettre dans le bain de ce que c’est que de classer un livre. Se plonger dans les joies de la standardisation, qui permet quand même à une bibliothèque de gérer plusieurs milliers de documents écrits...
Sur une fiche de bibliothèque, il y a 8 zones officielles. Pour l’atelier, nous n’en avons retenu que quatre. La zone titre et la zone auteur (le terme officiel étant zone « mention de responsabilité » au cas où le texte soit l’œuvre d’une personne morale, d’un collectif). Le lieu. Et enfin, sur la fiche, il y a la possibilité d’ajouter un résumé, une description, dans la zone qui s’appelle « l’abstract », en anglais. C’est la zone que nous avons utilisé pour raconter.
Des fiches, donc. Remplies seules ou à plusieurs. Il y a des auteurs qui ont géré un petit monde et les rencontres qu’il permettrait, à eux tout seul et d’autres qui ont pris en charge un peu ce qui se présentait, jouant à fond le jeu de l’écriture à plusieurs.
Et là, le numérique a fait ses preuves. Lui qui manque un peu de corps, a pu mettre à la disposition des participants un espace virtuel, avec des documents accessibles, où ils pouvaient relire, réécrire, en même temps, où nous pouvions échanger, sans nous presser, avant que nous estimions que nous avions bouclé quelque chose. Ce qui s’est fait bien après la fin de l’atelier.
Six histoires, plus ou moins liées. Et quelques épilogues, écrits en direct lors de la dernière séance de l’atelier, en mode performance projetée sur un écran. C’était tentant de les assembler, pour proposer une lecture de l’ensemble, et essayer d’échapper à l’anecdotique, (et qui sait si on y échappe jamais). Peut-être qu’en jetant toutes les fiches en l’air, on lirait un polar, et si on recommençait et bien on aurait une histoire surréaliste.
Cyber-e, est un travail sur les échos entre fiches, mais rien n’empêche de sortir du cadre, pour rentrer dans un autre. C’est la magie du fichier, il y a plusieurs entrées possibles. Par auteur, par lieu, et évidemment par protagoniste. On trouve à la fin de chaque fiche un lien vers ces autres opportunités de suivre (ou perdre) le fil. Sous la mention « suite », il n’y a plus qu’à cliquer sur la suite de l’histoire isolée, ou la suite de l’assemblage Cyber-e, ou la fiche suivante écrite par cet auteur, ou la prochaine fiche qui concerne le même lieu. Ça semble très compliqué, et peut-être que ça l’est un peu, mais pas plus que nos habitudes de consommateurs numériques.
Et puis, nous avions envie avec les bibliothécaires d’encourager les lecteurs à proposer leur propre assemblage. Parce que oui, si vous aussi vous avez de jouer, il vous suffit de noter les numéros des fiches que vous voudriez assembler dans l’ordre de votre choix, et de proposer ensuite, ces combinaisons à la bibliothèque.
Bonne lecture,
Aliette Griz