Les invité.e.s du mercredi : conversation autour d’un livre – Mercredi 27 novembre 2019 de 19h à 20h
Les invité.e.s du mercredi : conversation autour d’un livre
Mercredi 27 novembre de 19h à 20h
Ce mercredi, Ali Talib & Aliette Griz viennent nous parler de leur livre Maman, je suis un réfugié.
Ali Talib, dès son arrivée en Belgique, rencontre Aliette Griz et lui demande d’écrire son histoire. Elle lui propose de l’accompagner dans cette mission, devenir auteur. L’insouciance d’une enfance sous la dictature, la plongée dans la violence, l’engagement contre le terrorisme, la perte de l’amour et de tant d’illusions avant la fuite, font partie des étapes franchies par Ali, à la recherche de lui-même.
Sa demande d’asile est refusée. Après trois ans, il décide de retourner en Irak. Subsiste sa quête toujours renouvelée d’un meilleur futur, dans ces mots adressés à sa mère, comme une prière. Un récit écrit à quatre mains pour se plonger sans tabou dans la tête d’un jeune homme à la découverte de ses rêves et ses cauchemars, avec en filigrane, l’histoire de l’Irak et de la migration.
Le livre par Ali « Maman, je suis un réfugié. » Cette phrase, c’est à toi que j’ai envie de la confier. Peut-être que tu la comprendras. Tu me manques, maman. J’ai fui l’Irak mais les idées tournent en boucle, les échecs, les peurs. Tu sais que j’ai dû partir et tu m’as dit que l’exil, c’était mieux que d’aller recueillir mon corps sur un chemin. J’ai perdu Anosha, mon amour secret. Nous n’en avons pas parlé. Le plus important, c’était de faire face à chaque jour. Mais les nuits sont dures.
J’ai vu les passeurs vendre des gens au lieu de les aider en Turquie. J’ai senti le besoin de raconter. Pour tous les gens croisés, abandonnés sur des trottoirs. Pour ceux qui ne sont jamais arrivés.
Depuis que je suis en Belgique, les cauchemars ont recommencé. Tant de souvenirs… Je fais ce que je peux pour trier mais ça vient sans prévenir. La bestialité. Les phrases se coupent, je n’ose pas tout dire.
J’ai fait tant de choses dans ma vie pour construire un meilleur futur, soutenir la paix et les droits humains. J’ai combattu les terroristes qui tuaient mes voisins, mes proches, dans les rues autour de ma maison.
Comment vivre libre ? Ce livre sera une trace de mon espoir. Celui d’un monde que l’on pourrait ensemble écrire autrement. Je n’ai pas obtenu mes papiers, maman. Ça aussi, j’ai mis du temps à te le dire. Le livre sera mon rêve. Mon futur m’échappe, encore une fois.
Une force que je ne peux pas expliquer m’a poussé à écrire. J’ai trouvé la paix en Europe, pourtant, je n’ai pas pu y construire mon avenir. Le livre s’est terminé et mon rêve avec lui. J’ai demandé mon retour volontaire en Irak en juin 2018. J’ai essayé d’être réfugié, mais je ne voulais pas être un sans-papier.
Les mots sont des pigeons-voyageurs. Je leur fais confiance pour faire quelque chose de ma vie.
Ali Talib
Quelques mots d’Aliette Maman, je suis un réfugié est l’autobiographie d’Ali Talib, un réfugié irakien de 29 ans qui est venu en Belgique en septembre 2015. Je l’ai rencontré au Parc Maximilien où j’étais bénévole. Il cherchait quelqu’un pour écrire son voyage. Ali était très positif à propos de son arrivée en Belgique et nous sommes restés en contact quand il a déménagé à Tournai puis près d’Anvers. Nous avons beaucoup parlé de ce changement de vie afin de bâtir un meilleur futur. Régulièrement, Ali me demandait d’écrire ce qu’il avait vécu, mais je sentais chez lui un désir. Je l’ai encouragé à commencer lui-même, avec mon soutien. Nous avons démarré ensemble un long travail autour de ce qui était raconté, de comment le raconter et le traduire. Ali voulait un livre en français, avec un angle plus littéraire que simplement autobiographique. Le projet est passé par de nombreuses mues, entre l’arabe, l’anglais et le français. Ecrire à plusieurs, vivre à plusieurs… J’ai voulu trouver une voix pour ces mots qui arrivaient fragmentairement. Comment raconter notre époque ? Je n’avais jamais pensé me lancer dans une telle entreprise. Mais essayer, y croire, s’acharner aussi, font partie de mes convictions. Ecrire a été un soutien et une épreuve pour Ali. Il a dû revivre des moments innommables. Ce livre est aussi le témoignage de quelqu’un qui n’a pas reçu de papiers. Quelle claque pour nos idéaux ! Ali, qui voulait tellement vivre en Europe et embrasser nos valeurs, a été petit à petit brisé par l’attente, les doutes. Je souhaite que nos mots ne restent pas lettre morte.
Aliette Griz
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